La musique est l’une des plus belles formes de langage que l’humanité connaisse. Elle est née avec les premiers hommes. Le texte musical est la partition d’une œuvre, ce qui englobe les notes, le rythme, le mouvement, l’expression et l’accentuation. Wolfgang Amadeus Mozart est un compositeur à succès. L’un des plus grands. Mozart définit le texte musical en sept mots : « Je mets ensemble les notes qui s’aiment. »  La chanson est une œuvre musicale composée d’un texte et d’une mélodie.

Dans notre entourage, nous entendons souvent les gens dire que telle chanson n’a pas une bonne chute. Ils sont légion à prétendre qu’une chanson devrait prendre fin avec le refrain ou encore avec la partie que l’on juge percutante histoire de laisser un meilleur goût à la bouche de celui qui la chante et un meilleur son aux oreilles de celui qui l’écoute. La question que l’on se pose aujourd’hui n’est autre que : Quelle partie d’un texte musical doit servir de chute dans une chanson ? ou comment doit finir une chanson ? Des écrivains, des chanteurs, des compositeurs entre autres tentent d’apporter une réponse.

Jean Belony Murat plus connu sous son nom de scène Bélo est un chanteur qui sait éteindre les bougies pour allumer l’âme. Joint par téléphone, Bélo a été très content de partager son avis : « La meilleure partie d’un texte pour boucler une chanson est la conclusion. Néanmoins, certains musiciens la terminent avec le refrain qui n’est pas nécessairement une conclusion. Ce que j’appelle conclusion est vraiment la partie qui met fin à l’histoire. » La voix de « Lakou trankil » prend ce qu’il a coutume de faire lui-même dans la majorité de ses projets comme référence. De « Istwa dwòl »  à « Tilandeng » le chanteur plusieurs fois loué pour son engagement social a une façon bien à lui de boucler ses chansons.

L’étudiant en Communication sociale, Lucien Jean, mélomane et futur poète, de son côté, n’a qu’une seule réponse sur les lèvres. Il se passionne pour le groupe Vayb et parle de sa déception vis-à-vis d’un morceau chanté par la voix la plus connue dudit groupe, Michael Guirand : « Ou pa nan plas mwen, est, certes, une belle chanson mais Michael Guirand a raté la fin. Je m’attendais à ce qu’il reprenne le refrain. Ce qu’il n’a pas fait. » À rappeler que « Ou pa nan plas mwen » est l’un des plus beaux sons du groupe qui a pris naissance après la division de Carimi. (Groupe musical très populaire et apprécié ici et ailleurs).

Pour apporter une certaine satisfaction au public, nous avons été même à consulter un médecin. Père d’une fille, Furstlee Pierre Louis est fan de la bonne musique. Monsieur partage souvent ses avis sur les réseaux sociaux. Il abonde dans un sens un peu différent de Lucien mais explique son choix en des termes clairs : « Tout dépend de la qualité du texte. Pour une chanson avec un texte pauvre, qui ne raconte aucune histoire, qui ne respecte aucune suite logique. Il est préférable de la terminer avec le refrain car le plus souvent, les chansons sans fond sont souvent appréciées grâce à leurs refrains. »  L’amoureux des belles lettres continue et soutient qu’une chanson peut bien être bouclée par un couplet qui laisse place soit à un suspens, soit à une suite ou tout simplement par la partie qui représente mieux la chute. Là, nous parlons d’une chanson bien structurée. « Se mwen l ye » du fameux groupe Djakout # 1 plait à son cœur et c’est, d’après lui, une chanson qui est bien bouclée : « Ce morceau raconte une histoire du début à la fin et la vidéo de ce dernier vient en renforcement. »

Chaque personne répond suivant l’effet qu’une chanson lui fasse. Chacun a et aura une réponse à cette question qui revient à chaque fois qu’un nouveau projet s’empare des âmes.  Le chanteur compositeur Kebert Bastien aka KEB, connu et apprécié pour son genre musical et son engagement réagit sans langue de bois : « Il n’y a aucune façon pour boucler une chanson. Si le message est délivré, l’on peut dire que le travail est fait. C’est l’auteur de l’œuvre qui décide. » Avec son intervention l’auteur de l’album sur Jacques Stephen Alexis (dont l’année 2022 ramène son centenaire de naissance est une figure emblématique du 20e siècle)  fraichement sorti intitulé « Mon général soleil, mon kamoken » rejoint l’une des grandes figures de la littérature, Lyonel Trouillot qui dit concrètement ce qu’il pense du sujet : « Il n’y a aucune loi. Une chanson est une adéquation entre une musique et des paroles. Parfois la musique vient avant le texte. Parfois ils viennent ensemble. » Écrivain haïtien à succès, monsieur est très catégorique et dit tout haut ce que d’autres disent tout bas. 

Le journaliste de Ticket Magazine et du Nouvelliste, Mikenton Jean, très accro à la bonne ambiance qu’apporte la musique met son grain de sel : « Cela dépend de la personne, de son choix, de sa créativité. Il y en a qui terminent leurs œuvres avec le refrain ou un solo et d’autres avec un ‘’bridge’’. Dans tous les cas, cela dépend du ‘’ vibe ‘’, des émotions qui traversent l’auteur. Il n’y a aucune façon définie. C’est le chanteur, sa créativité et ce qu’il veut offrir comme produit de qualité. »

Par ailleurs, le chanteur engagé Herby François est ferme sur sa réponse et rejoint en partie les voix qui disent que toute chanson n’a qu’une chute et c’est le refrain. Celui qui dépeint souvent la réalité haïtienne dans ses projets dit qu’une chanson a une idée propre à elle-même et c’est cette idée le plus souvent qui sert de refrain : « Dans un morceau, le chanteur raconte une histoire et l’histoire vient à partir d’une idée. Tout chanteur (ce qui n’est pas général pour autant) écrit le refrain suivant cette idée et aimerait toujours que ce soit le refrain qui serve de chute. Pour moi, c’est vraiment le refrain. »

Neno Garbers est un brésilien qui réside en Haïti depuis plus de 10 ans, poète et chanteur, il est l’une des voix de Motif. Un groupe haïtien-brésilien qui est souvent invité à performer lors des grands événements et qui joue un peu de tout. Lors de ses différentes prestations, ce groupe offre un mélange de Compas, de Troubadour, de Samba, de Bossa-nova… Neno dit que la chute dépend  carrément du style musical et de l’objectif du musicien. Cependant tout artiste est libre d’essayer de nouvelles touches. La musique est un art. Un artiste est là pour créer. Il peut terminer un morceau comme il le souhaite. À rappeler aussi que pour le groupe Motif c’est souvent le refrain qui sert de chute.

Une chanson est une combinaison d’un texte et d’une mélodie. Un artiste est un créateur par excellence. Tout artiste est libre de créer, de faire ce qui lui semble meilleur, de suivre sa voie. Les avis des fans sont importants, d’ailleurs que serait un créateur sans son consommateur ? Ils se complètent l’un l’autre. Aucun artiste, aucun écrivain ne pourra donner une réponse qui suffit à tout le monde et ceci pour des raisons multiples. La question revient toute troublante, quelle partie d’un texte musical doit servir de chute dans une chanson ? Donnez votre avis. Suivez votre instinct. 

Carlile Perrin

Carlile Perrin Magazine

www.carlileperrin.com/mag

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