Quand je l’ai connu, il était encore Michael Benjamin. Il n’y avait pas encore de Mikaben. On parlait de « Krezi Mizik ». Je n’arrive pas à mettre un chiffre, je dis bien chiffre pas nombre, sur l’âge que j’avais quand mes yeux le regardaient chanter en compagnie de sa sœur.
Ce morceau qui revenait tous les décembre, qui annonçait la Noël, moi je l’écoutais en boucle à n’importe quel moment de l’année. C’est, d’ailleurs, ce dernier qui m’a fait découvrir le chanteur. Ce chanteur devenu une légende. Cette légende que Paris a vue partir le 15 octobre 2022.
Je me rappelle ma voix qui disait aimer Michael Benjamin. Oui, j’étais amoureuse de ce garçon que je regardais à la télévision. Quand ma mère m’a informé, qu’il avait déjà grandi depuis; que cette chanson date de plusieurs années, j’ai vécu mon premier chagrin d’amour. Mais, comme j’étais une fillette mature, il ne m’a pas fallu longtemps pour le laisser partir en tant qu’homme à la faveur d’une dynamique relationnelle plus saine entre nous.
Après cette première déception amoureuse, j’ai développé un nouvel amour pour lui. Lui c’était l’artiste qui ne cessait de monter plus haut parmi les étoiles et moi, la fan qui l’aimait davantage à chaque nouveau Hit.
Je me rappelle les tresses collées de Michael dans « Lè m wè w ». Il fait la cour à une fille, il dit ce qu’il ressent « lè l wè l ». Mais tout ne s’arrête pas là. Je me souviens du bout de papier sur lequel j’avais écrit une partie de la chanson à un garçon qui faisait battre mon cœur. Côté cœur, on est légion à avoir, au moins une fois, chanté, envoyé, dédié ce son à quelqu’un qui nous est cher.
Beaucoup d’années se sont écoulées. J’ai vu Michael Benjamin gravir les échelons d’une surprenante manière. Il est partout. En tout. Il a un style propre à lui, il fait un peu de tout. Hier encore, Je fredonnais « Si m te gen zèl » mais franchement, c’est plus qu’une chanson, c’est un message, c’est un appel.
J’ose dire que j’ai grandi avec Mikaben parce qu’il ne peut pas être mon père. Et dans ce cas, c’est un ami, c’est un frère. Avec Mika, on a l’impression que chacun de ses sons produit le même effet « waw » que l’on a eu au premier contact. C’est aussi valable pour ses collaborations. L’artiste qu’il est, a quelque chose de particulier. Il est spécial. En écrivant ce texte, « M anvi fè l avè w » chanté avec Izolan et « Baby I missed you » avec CARIMI me viennent à l’esprit. Il y a tant de belles collaborations que j’aurais pu citer, sa participation avec CARIMI aux festivités carnavalesques par exemple. Toutes ces chansons sur lesquelles il a travaillé. Tous ces artistes qu’il a accompagnés…
Parler de mon enfance, c’est aussi parler de CARIMI. « Kidnapping », ce morceau qui a volé mon cœur aux premiers battements de cils. Je le chantais sans arrêt, j’aimais à regarder la vidéo. Le divorce du trio survenu en 2016 m’a laissé un goût amer à la bouche. Ce n’est pas tous les jours qu’un haïtien a la chance de voir un groupe musical faire autant de succès à l’international. CARIMI est un patrimoine. C’est notre fierté.
Avant le drame, je me préparais à écrire un article sur la belle performance de CARIMI et de MIKABEN à l’Accor Arena. Je me préparais à mettre sur papier d’élogieux propos sur ce que je ressens, sur les émotions qui me traversent en ce 15 octobre. Mais en lieu et place de tout ça, c’est avec le cœur serré que je parle d’un artiste talentueux, unique et par-dessus tout, d’un modèle.
Dalida a dit dans l’une de ses chansons « Je veux mourir sur scène » mais elle n’a pas eu le privilège. C’est dans son appartement qu’elle a vu la mort prendre son âme rapportent les médias dont Gala. Michael Benjamin, Mikaben, est parti heureux à mon sens, après une prestation sortie de l’ordinaire, devant un public immense, euphorique devant ce qui aura été sa dernière explosion de talent et de savoir-faire. Avec sa disparition, c’est mon enfance, mon adolescence bref une grande partie de ma vie de mélomane que je vois partir en quelques pas.
L’histoire retiendra que le célèbre Michael Benjamin a cessé de respirer pile au moment où il s’apprêtait à souffler un grand coup, à apprécier ce qu’il sait faire le mieux : chanter.
Adieu Mika, je ne t’oublierai jamais. Merci pour tout !
15 octobre 2022
Carlile Perrin
Carlile Perrin Magazine
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