1) Entre 50-20, qu’avez-vous voulu dire au deuxième poème ?
« Entre 50-20 ce qui reste est un cri de nègres qui se faufile dans le sang ».
Je crois que c’est Léopold Sédar Senghor qui a dit : « Les mathématiques sont la poésie des Sciences ». Dans les mathématiques, il y a tout un univers artistique qui relie l’harmonie et l’esthétique. Donc si elles étaient un genre littéraire, ce serait la poésie vu que ses démarches promeuvent tout ce qui est beau et original. Donc on peut penser poésie avec les mathématiques. Toutes ayant la même finalité, faire le beau et être utile.
2) Comment arrivez-vous à concilier la douleur et l’amour dans un seul et même poème ?
Tout d’abord, dans ce recueil, ma poésie est faite de douleur. Elle est d’une esthétique que je nomme ESTHÉTIQUE DE LA DOULEUR. Je décris une réalité lugubre, sanglante, triste. Je parle aussi de l’amour, l’amour d’une ville, d’un pays et de la femme et par la suite je cherche à mettre une étiquette d’esthétique dedans. Voilà comment douleur et amour cohabitent. Et les lecteurs et lectrices, vu la dimension de l’esthétique, lors d’une première lecture, ne se rendent pas compte de la fragilité de la douleur.
Ensuite au moment où j’écrivais ce recueil, je vivais à Port-au-Prince. Et tout ce que j’écris est tatoué et teinté de la souffrance de cette ville.
3) À quel moment, avez-vous écrit le poème qui abrite : « Dans mon pays blessé par le temps, J’ai bu tant de rêves aux hanches cassées » ?
Tout commence à partir du chaos qui s’étend sur tout le territoire plus particulièrement à Port-au-Prince…Même si cette poésie est généralement faite à la première personne, il s’agit d’un je NOUS, un je pluriel. C’est la situation des milliers d’Haïtiens qui regardent leurs rêves défiler et se briser en morceaux…
Une ville: tout devient douleur et souffrance.
4) À quelle catégorie appartient votre poésie ?
On laisse ce travail aux critiques littéraires.
5) Quelle place occupe la femme dans votre poésie ?
Je pense qu’ il est loin, dans ce recueil, de penser à donner à la femme une fonction, mais il a été toujours question d’utiliser le corps de la femme comme prétexte pour confectionner mes poèmes
6) Sur une échelle de 1 à 10, à quel niveau se trouve la sexualité dans votre poésie ?
Il ne s’agit pas de l’acte sexuel ni de son accomplissement. J’utilise, dans quelques passages du livre, certaines parties du corps de la femme comme pantalonnade pour affiner ou peaufiner mes poèmes.
7) Vous aimez bien les mots Nombril et Kalachnikov, pourquoi ?
Et si je dis tout bêtement j’aime le nombril des femmes. Tout passe par là. À cette position, je me sens au centre du monde. Tout est clair et net.
Kalachnikov pour décrire ce qui se passe à Port-au-Prince : cette ville inhabitable…
Et Comment raconter la douleur de Port-au-Prince sans parler du nombre de fois où je me suis heurté dans les rues à des cadavres. Il y a toujours un jeune garçon qui baigne dans son sang. C’est vraiment une ville de Kalachnikov.
8) Quand avez-vous commencé à écrire ?
J’ai toujours été dans l’urgence d’écrire.
Et pour mieux comprendre mon entrée dans le domaine littéraire, il faut plonger dans mon enfance. Elle a été malmenée par deux grands événements: primo : le passage du cyclone Jeanne où je suis resté debout sous la pluie et sous une dalle pendant environ deux nuits sans rien manger, regardant des objets-meubles et des êtres humains que l’eau haïssablement transportait.
Secundo : quelques mois plus tard, j’ai été témoin du mouvement grenn nan bouda (GNB) qui a forcé le départ de l’ex-président Jean Bertrand Aristide. Depuis ce temps, tous mes souvenirs d’enfance, ce sont des souvenirs de balles et de cartouches. Donc je re-cherche un endroit sûr pour pleurer et mieux habiter ma douleur et mes blessures. L’endroit sûr que je cherchais n’était autre que la poésie. Depuis ce temps sous une forme ou une autre, la poésie vit en moi et je vis aussi en elle.
9) La poésie est-elle une activité rentable ?
Elle a donc sauvé ma vie. Elle me permet de vécrire (vivre et écrire).
10) À quel moment écrivez-vous habituellement ? Au cours de la journée ? Le soir ?
Majorité de mes poèmes, je les ai écrits le soir.
Carlile Perrin
Carlile Perrin Magazine