Journaliste accrédité au Parlement de 2016 à 2023, Juno Jean Baptiste est fondateur et rédacteur en chef du journal d’informations numérique indépendant Port-au-Prince Post. Le gonaïvien dans « Les Manœuvres et les Griffes : une plongée intime dans les secrets du Parlement » se confie.
1) Quel est le but de ce livre ?
Tout d’abord, je dois dire une chose. J’aime passionnément le Parlement haïtien comme institution démocratique. Notre pays qui a fait sienne la démocratie représentative ne peut nullement s’en passer. Mais quel Parlement pour quelle République ? Et c’est là tout l’enjeu de mon livre. Être accrédité au Parlement, haut lieu de pouvoir et d’influence, d’affluence également avec avec toutes ces hordes de militants, de chasseurs d’espoir qui y défilent presque tous les jours, vous ouvre naturellement un boulevard de connexions et d’interpénétrations. Donc, un journaliste accrédité est témoin des blocages, des impasses politiques entretenues, des ambitions individuelles mercantiles et autres délitements qui condamnent notre pays à ses vieux démons. En Haïti, les mêmes visages qui, hier, ont conduit ou contribué aux désastres, peuvent facilement réapparaître sous d’autres formes, comme si de rien n’était. C’est un douloureux cycle avec ses multiples conséquences dans la vie politique de notre pays. Voilà pourquoi il nous faut écrire et raconter les échecs, les décadences infâmes, les pratiques de corruptions et autres scandales retentissants. Si on ne le fait pas, soit par des livres ou des documentaires, ils s’effaceront très tôt de la mémoire collective. Pire encore, ils risquent, sur le temps long, d’être remplacés par des approximations, des légendes et autres inventions farfelues. L’histoire, comme la nature, a toujours l’horreur du vide.
2) Pourquoi quelqu’un devrait-il se procurer votre ouvrage ?
Pour que les gens puissent comprendre la mécanique de fonctionnement du Parlement et ses tares. Pour qu’ils n’oublient pas. Et que s’installe désormais la permanence du nécessaire combat contre l’amnésie collective ambiante dans l’espace public. Nourrir l’histoire immédiate de notre pays pour mieux comprendre les malheurs d’Haïti et cesser de répéter, comme des imbéciles, les mêmes pratiques et les mêmes erreurs qui nous conduisent sans cesse, depuis des décennies, vers plus d’immobilisme. Pouvoir instituer de nouvelles façons de faire la politique dans notre pays. Faire en sorte que la politique soit au service du bien commun, de la collectivité, et non un micro espace d’enrichissement accru de quelques flibustiers ou de politicards bienheureux.
3) Comment comptez-vous réagir aux critiques négatives sur votre livre ? Il faut dire que vous avez opté pour un sujet brûlant.
Écouter et comprendre. Puisque le livre n’est plus mien. Il est pour le peuple. Pour les protestants et les vaudouisants. Pour les catholiques et les athées. Jeunes et vieux. Ex-parlementaires et aspirants parlementaires. Journalistes et aspirants journalistes. Étudiants. Les autorités étatiques. Les «élites politiques» qui auront bientôt, tôt ou tard, à discuter durant cette transition politique qui ne dit pas son nom et réfléchir autour de la nécessité d’une nouvelle constitution, de la structure du Parlement et beaucoup d’autres choses.
4) Votre expérience au sein du Parlement a été bonne ou mauvaise ? Pourquoi ?
Dans la vie en général, je crois qu’il il n’y a pas de mauvaises expériences. Ce qu’on appelle «mauvaise expérience » peut être le pont qui mène à d’incroyables leçons de vie, des apprentissages extraordinaires, peut ouvrir une fenêtre sur des faiblesses à combattre ou à compenser, des imperfections et autres déficiences à corriger pour amorcer un nouveau départ ou mieux saisir les opportunités nouvelles qui surgissent même dans les environnements les plus délétères. Ce qu’on appelle « mauvaise expérience » peut vous rendre meilleur. Et c’est le cas d’ailleurs dans tous les domaines de la vie, de l’ébénisterie aux métiers les plus répandus. Mon expérience au Parlement est l’une des plus belles choses qui puissent arriver à ma carrière de journaliste. Mon livre n’est nullement un aboutissement. C’est le début de quelque chose qui est plus grand que moi, qui me dépasse en quelque sorte. Ce livre parle de NOUS, d’HAÏTI, de ces parlementaires que nous n’avions pas votés lors des législatives contestées de 2015, de PetroCaribe, des militants politiques, des pseudos journalistes, de chocs, d’illusions entretenues, d’échecs démocratiques, de faillites politiques, d’allusions intelligentes et subtiles dans un pays où la loi de l’omerta a encore pignon sur rue, de déraison politique, de partage de responsabilité qui n’est ni plus ni moins qu’une invention des parlementaires et de nouveaux sentiers à creuser. Ce livre est un mine du « parler vrai ».
Notons que la vente-signature est pour le 12 octobre à compter de 16 heures à l’hôtel Royal Oasis. Venez nombreux !
Carlile Perrin
Carlile Perrin Magazine
www.carlileperrin.com