Romans, Nouvelles, livres de jeunesse sont irrémédiablement attachés à Gary Victor, l’une des grandes figures de la littérature en Haïti. Très Populaire, l’écrivain de près de 30 ans de carrière n’arrive toujours pas, du moins, trouve difficilement les mots pour répondre à la question « Qui es-tu ? »

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Comme tous les titres, les gens souvent attribuent un ensemble de critères au fait d’être écrivain. La plupart du temps, les écrivains se conçoivent à partir des clichés que les impose la société et ces derniers finissent par les dérouter.

Gary Victor, lui-même, mène une vie simple et juge opportun de parler de sa vie d’écrivain et des thèmes qui sont considérés comme pièce maitresse de ses livres tels le sexe et la femme. Des lèvres de Gary, les mots sortent d’une manière bienséante. Si monsieur se recherche entre les pages de son œuvre, il sait, tout au moins, trouver les mots justes, les mots à mettre sur certaines questions trop longtemps endormies dans un coin de ma mémoire.

De toutes les choses que l’auteur de « Banal oubli » a appris à faire, devenir écrivain n’en fait pas partie car dit-il : « Écrire c’est d’abord avoir du talent. C’est avoir la capacité d’observer, de comprendre, de s’émouvoir, la faculté de se questionner. L’écriture aussi, c’est un désir de se dépasser tout le temps, de se donner des défis. » Le créateur de Djamina (personnage très adoré des enfants) a fait des études en Agronomie et en journalisme. Détenteur d’une spécialisation en écriture de scénario, Gary n’a fréquenté aucune école d’écriture littéraire mais est devenu écrivain en lisant beaucoup. Et oui, tout écrivain se doit être un grand lecteur.

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Écrire n’est pas une roue de secours pour celui qui, par le passé, a publié des nouvelles dans les colonnes de plusieurs journaux dont « Le Nouvelliste ». Pour celui qui, dès le départ, n’a pas voulu être écrivain. Pour celui qui est tout en haut de la liste des auteurs les plus aimés en Haïti. Pour celui celui qui aime écrire à la première personne. Je n’ai pas lu tous les livres de Gary Victor cependant pour ceux que mes yeux ont eu la chance de caresser, je me suis souvent retrouvé coincée entre le narrateur et l’auteur. Il m’est très difficile de faire la décantation. Il se laisse mener par son protaganiste, il attribue ses livres à ce dernier. Gary Victor et ses protaganistes se confondent et souvent j’ai même été à penser qu’ils l’inventeraient, s’ils avaient le pouvoir.  À la question pourquoi ce choix, il répond : « Quand on écrit à la première personne, on arrive plus facilement à dire les choses, à s’examiner, à se questionner. »

Je ne suis pas le genre de fille qui se base uniquement sur les « on-dit » néanmoins, il m’arrive aux oreilles d’excellentes nouvelles sur Gary Victor. C’est un homme galant qui n’a pas seulement réussi au niveau de l’écriture mais l’est tout aussi auprès des femmes. D’ailleurs ceux-là qui le lisent, peuvent magnifiquement témoigner. Monsieur donne une place centrale au sexe et à la femme dans ses livres. Pour lui, la femme fait partie de la vie et le sexe occupe une fonction primordiale : « Quand on parle de sexe, on parle du corps. La relation est une fusion entre deux personnes. C’est l’univers qui fonctionne comme ça. »

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Dans « Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin » Gary présente un personnage féminin sombre et amer. C’est la société qui nous façonne comme ça. explique-t-il. De ce livre, j’ai particulièrement reçu un retour positif de mon cœur. L’auteur raconte la situation de l’écrivain. Ce roman paru en 2004, présente la vie d’Adam Gesbeau, écrivain à succès, qui s’est marié à Ève. C’est une femme mystérieuse qui fait passer l’avoir avant l’être. Le récit se déroule sous un régime sanguinaire et manipulateur où l’on arrive à peine à identifier l’enquêteur et le criminel. Le roman touche son auteur profondément, il ajoute : « Tous les écrivains sont fauchés en général. Ceux qui sont riches sont très rares. Souvent on demande à l’écrivain de se vendre parce qu’il a un certain pouvoir. Celui de manipuler les esprits et les politiciens en profitent pour se servir de son talent. »

Exposés à des propositions indécentes, les écrivains risquent leur humanité. Cela devient un vrai combat. Gary Victor se questionne aujourd’hui sur comment serait sa vie si, par le passé, il acceptait d’irraisonnables offres. Tout comme, il décrit le monstre qu’est devenu Adam Gesbeau dans « Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin », un roman qu’il qualifie de « L’écriture d’un cauchemar », Gary aurait suivi sans hésitation aucune, ce personnage, s’il avait par malheur, fui les conseils de son père qui dès sa tendre enfance lui interdisait de s’approcher de la scène politique.

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Pour ce roman qui a, d’ailleurs, remporté le Prix RFO 2004, le passage biblique très connu traitant l’histoire de la création d’Adam et d’Ève est présent et c’est, à mon sens, ce qui développe dans le livre une perplexité plus ou moins inquiète.  De « Soro » inspiré du tremblement de terre de 2010 à « Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin » les ébats sexuels ne chôment pas. Je trouve que Gary a un sens très prononcé pour dépeindre les scènes sexuelles. Je me rappelle encore ce passage dans lequel le père d’Adam Gesbeau, dans la cuisine, donne fièrement un travail libidinal à la servante.

Pour ce qui est de la réalisation de projets, Gary écrit d’abord l’histoire dans sa tête avant de la mettre sur papier. « Pour concevoir un roman, cela me demande du temps et des efforts mais l’écriture me prend trois mois environ. Pratiquement un an pour le travail complet. » explique-t-il.

De sa vie d’écrivain à succès, les titres lui viennent régulièrement avant la rédaction : « Je change rarement mes titres après avoir écrit un texte. » Dans cette même lignée, il ajoute : « J’ai écrit tous mes romans policiers sur ordinateur. Cependant pour les récits plus intimistes dont ‘’ W ap konn Georges et Un homme dangereux ‘’, je les travaille à la main. »

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Les lecteurs de Gary Victor sont gâtés avec beaucoup de recueils de nouvelles toutefois ce dernier promet un roman inédit pour 2024. Une information qui fera la joie de la communauté littéraire. Pensé-je ! L’auteur de « Djamina la corruption expliquée aux enfants » aime se relire même quand le processus de relecture lui fait éprouver des regrets. Il se dit qu’il aurait aimé pouvoir changer deux ou trois trucs, mieux présenter certains passages… Pour ce qui est de ses livres préférés, il dit être très attaché  à « Le sang et la mer » paru en 2010, roman dans lequel la femme dont il est tombé amoureux se trouve et « Le cercle des époux fidèles » paru en 2002 qui fond dans plusieurs de ses romans.

Piqûre de rappel ! Gary Victor a signé son dernier recueil de nouvelles intitulé « Un homme dangereux » le 5 juillet 2022 à la grande joie de plusieurs dizaines de lecteurs. Pour ma part, si je devais parler de ses meilleurs souvenirs, j’ajouterais la journée du 5 juillet et celle qui l’a connue au Collège Marie-Anne, il y a des années déjà : « On m’a invité par surprise et les élèves ont mis en scènes plusieurs de mes nouvelles. » raconte-t-il tout couvert de fierté.

Qui ne connait pas Gary Victor ? Peu de gens. L’écrivain continue de travailler pour le grand plaisir des lecteurs.  Bien qu’il trouve que les gens n’accordent qu’un piètre intérêt au livre, il exorte les responsables à mener une politique du livre pour avantager l’amour de la lecture au près des cœurs les plus endurcis.

Carlile : Monsieur Victor, qui êtes-vous ?

Gary Victor : Je ne sais pas qui je suis. C’est pour cela que j’écris un tas de livres.

Carlile Perrin / www.carlileperrin.com

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