En Haïti, depuis une décennie, nous faisons face à un chômage aigu. Le pays devient de plus en plus vulnérable, encore avec l’insécurité qui poursuit son chemin sans vergogne, plusieurs entreprises s’apprêtent à fermer leurs portes, lit-on au Nouvelliste en date du 20 juin 2022. À cet égard, il est à rappeler que ce n’est pas nouveau, nous avons déjà eu droit à la fermeture temporaire et même permanente, par le passé, de certaines entreprises.
Dans le cadre de cet article, nous avons interviewé une personne qui a pris le temps de nous expliquer une situation pas convenable qu’elle avait vécue des années plus tôt. Le témoignage a été traduit fidèlement en français. Sous la demande de notre interviewée, nous lui avons attribué Janvier comme nom.
Assise à une table, un après-midi, dos cousu au dossier, Janvier porte un chemisier imprimé et un jean délavé. Celle qui semble chausser du 40, a, aux pieds, des chaussures à moitié fermées qui laissent paraitre deux orteils. Ses lunettes posées magnifiquement sur le front, ont glissé à deux reprises pour reprendre leur place sur un nez robuste.
Elle a étudié l’Informatique bureautique à Wonderful Institute et avait, par la même occasion, prévu d’apprendre l’anglais dans le même institut. Ce qui n’a pas été fait dans la mesure où après ce qui lui est arrivé, c’était le cadet de ses soucis. Janvier est brune, avec une poitrine qui attire les regards, elle dit faire un 1m 73.
Alors qu’elle se tuait à trouver un travail, elle reçut une annonce par le biais d’une amie sur whatsapp. Les premiers mots étaient « On recrute…» Bien que n’ayant pas toutes les aptitudes requises, elle s’est quand même présentée à l’entretien le jour indiqué. Arrivée au bureau, elle était la quatrième de la file d’attente. Après l’entretien, en elle-même, elle savait qu’elle n’avait aucune chance d’obtenir le poste. Néanmoins, un appel, un après-midi, lui avait tiré d’un demi sommeil trois jours après. Elle eut une bonne nouvelle et pour indication de venir participer à la réunion de la nouvelle équipe. Cette dernière était prévue un mardi aux alentours de 4h PM. Ne connaissant pas l’endroit, elle reçut toutes les informations dont elle avait besoin pour pouvoir s’y rendre. Ladite réunion devait se passer dans une résidence privée à Thomassin 25.
Arrivée, elle eut droit à un accueil chaleureux. Elles étaient trois filles aux côtés d’une dizaine d’hommes vêtus de smoking. Sur une table était couchée différentes boissons, cependant, il y avait à côté, un freezer contenant de bonnes bouteilles de bière.
Quelques minutes après, elle tenait une prestige. Elle se sentait étrange. C’était un environnement avec lequel elle était inaccoutumée. Elle se disait qu’elle devrait rejoindre les autres filles pour casser un peu la bizarrerie et mettre de l’ambiance. Ce qu’elle fit. Cependant, ce qui venait après, était de mauvais goût car dit-elle : « Avec les autres, j’étais invitée à monter dans le hall qui gardait un grand sofa. Tous les hommes étaient assis à moitié ivres. Certains étaient torses nus et d’autres avaient enlevé leurs vestes mais gardé leurs chemises. On n’était là à se regarder, à se parler sans rien dire. Quand l’un d’eux, le plus arrogant, je dirais nous a demandé de nous déshabiller. Il utilisait un ton qui me faisait trembler de peur. J’ai menacé de quitter la salle mais impossible, les portes et fenêtres étaient fermées à double tour. La maison était un peu éloignée. Notre voix, nos cris, nos pleurs ne servaient à rien.
L’idée était de se caresser l’une l’autre. Avant ce jour, je n’avais pas eu à faire de pareilles absurdités. Je suis cent pour cent hétéro. Je manifestais un désintérêt qui déconcertait les messieurs. La première gifle que j’ai reçue m’a tirée de mes pensées et j’ai dû sucer, dans les minutes qui viennent, celle qui se trouvait à quelques mètres de moi. Elle était tout aussi gênée mais paraissait plus conciliante. Sa bouche, ses seins, son ventre, tout son corps était couvert de ma salive et elle avait pour ordre de s’exprimer pour le plaisir des bourreaux.
Après s’être caressée à chacune son tour, ils ont lancé vers nous des sextoys pour qu’on les mette à l’intérieur. Ils parlaient de notre façon de faire, de comment cela les excitait. Ils échangeaient en termes grossiers qui réduisaient le peu de dignité qu’il nous restait. On nous avait droguées, à un certain moment, j’ai eu l’impression que tout bougeait autour de moi. J’entendais des voix mais je n’arrivais pas à comprendre ce qu’elles racontaient. Le temps passait, j’avais perdu le contrôle… »
Janvier s’était réveillée dans une rue peu fréquentée et avait des difficultés pour rentrer chez elle. Sa jupe était déchirée quelque peu et son chemisier laissait apparaitre une partie de son corps. Ses cheveux ébouriffés, elle ressemblait à une démente.
« Quand enfin chez moi, il n’y avait heureusement ou malheureusement personne. Je me sentais salie, sous la douche, je me frottais jusqu’à laisser des égratignures. Mes yeux menaçaient de se fermer. J’avais besoin de reprendre mon souffle…»
C’était, pour elle, un moment de désarroi total. Difficile de reprendre sa vie en main. Elle avait eu l’idée de porter plainte mais en revenant au cabinet d’avocats, tout marchait comme sur des roulettes. Porter plainte pour qui ? aucun des renseignements reçus de la part de la secretaire ne corroborait avec sa version. Elle essayait de décrire quelques visages mais personne n’avait jamais vu et entendu parler.
Elle s’était fait avoir par un groupe d’individus un 14 janvier. « Je ne suis plus la même personne. J’essaie d’accepter ce qui m’est arrivé mais je n’y arrive pas. » Elle était à sa septième cigarette quand on a mis fin à l’interview. Elle a souvent eu des pensées suicidaires mais après avoir tout raconté, elle dit être prête pour aller de l’avant. Janvier a quitté la table avec les yeux noyés de larmes, tête baissée, couverte de regrets.
En 2022, il est plus qu’urgent de faire attention aux messages qui circulent sur les réseaux sociaux. Nous ne savons pas combien de Janvier, il y a déjà eu néanmoins nous espérons que ce témoignage servira de leçon et que vous serez plus diligents dorénavent.
Carlile Perrin
Carlile Perrin Magazine
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