Le président dominicain Luis Abinader multiplie ses interventions en République Dominicaine ou à la tribune des Nations Unies. Le peuple haïtien, pour sa part, continue de façon intéressée la construction du canal sur la rivière Massacre. Une initiative départementale devient désormais un projet national. C’est un combat pour l’autonomie alimentaire, une manifestation du droit à l’autodétermination des peuples concernant les haïtiens. Le gouvernement actuel, ne pouvant pas stopper la construction du canal et en même temps ne pouvant négocier d’égal à égal avec les dominicains, tergiverse.

En 1953, est publié un ouvrage sur les deux pays, sur leur évolution collective. Jean Price Mars fait la lumière sur les faits historiques qui lient les deux États et peuples entre eux. À la publication, diverses réactions ont été répandues sur le contenu du livre. Les intellectuels haïtiens se réjouissent, pourtant les dominicains se sentent dérangés par la mise en lumière de tels faits.
Le contexte actuel entre les deux pays réclament un raisonnement scientifique d’ordre sociologique, historique, internationaliste. Car c’est encore une fois la manifestation des différentes crises entre les deux pays.

Alors comment les intellectuels dominicains d’obédience ont recu l’œuvre de Jean Price Mars ?

Jean Price Mars n’a pas seulement écrit le titre présenté mais il est également le chef de fil d’un courant de pensée dit indigéniste qui réhabilite les valeurs paysannes et africaines. Les intellectuels trujillistes sont les idéologues d’un régime dictatorial qui modifie le discours historique et l’historiographie de la République Dominicaine pour les transformer en une arme antihaïtienne.
De ce fait, l’altérité que vise l’élite réactionnaire trujilliste s’aligne sur l’occidentalité comme valeur dominante contre les populations non blanches pour être cohérente avec la vertu civilisatoire que cette idéologie impose et ce, depuis 1493.

« La République d’Haïti et la République Dominicaine » est un ouvrage qui répond à plusieurs questions. D’abord la problématique de l’unification ou de l’occupation du territoire dominicain par les haïtiens. On est en 1823 avec Boyer comme chef d’État. Ensuite, les différentes correspondances dans lesquelles les patriotes dominicains réclament l’unification pour abolir l’esclavage par exemple. La guerre de Restauration de l’indépendance de la République Dominicaine avec l’aide de Geffrard pour les indépendantistes comme Luperon contre les troupes espagnols colonialistes rappelées par Santana. Les différents collaborations et traités d’amitié des deux États de l’île. Enfin, le massacre de 1937. Ce qui dérangea les idéologues Trujillistes. Ceux-ci ont empêché la publication de cet ouvrage en République Dominicaine. Ils l’ont même banni. Car l’histoire est une arme privilégiée des classes dominantes pour contrôler de façon efficace l’exploitation et la répression des classes dominées. D’où cet antihaïtianisme et cet antidominicanisme.

Pour conclure la pensée de Price Mars peut contribuer fortement à l’internationalisme qui unit les deux peuples dans la lutte contre l’oppression du capitalisme et des sociétés multinationales qui ont par la division internationale pour mission de transformer Haïti comme fournisseuse de main d’œuvre abondante à bon marché et la République Dominicaine comme espace de production aux fins d’exportation.

La lecture de la pensée de Price Mars est une contribution pour une meilleure connaissance et compréhension de la dynamique qui se développe entre les deux peuples.

Richecarde Célestin

Carlile Perrin Magazine

www.carlileperrin.com

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