Marckdalina Mirville est banquière et vit au Canada. Elle a récemment publié un premier roman qui s’intitule « Les méandres de l’amour : vengeance ». Le titre du livre annonce, d’entrée de jeu, une lecture aux multiples rebondissements. Lina comme elle s’autoproclame est une femme qui dit toujours ce qu’elle pense. Elle a commencé à écrire dès son plus jeune âge et aujourd’hui, c’est avec fierté qu’elle s’invite à la table des auteurs. Interrogée sur son premier enfant autour d’un thème manifestement poignant, Marckdalina Mirville a répondu aux questions avec force émotions. Faisant référence à l’auteur du roman épistolaire « Les liaisons dangereuses », Laclos, il est dit que « la vengeance est l’un des thèmes majeurs de la littérature mondiale, au même titre que l’amour et la guerre. Ou plutôt, il en est un des ressorts ». Dans le cas de Lina, la vengeance est habillée en infirmière.

  1. Quel est le thème fort de votre livre ?

Au prime abord on pencherait pour une simple vengeance. Cependant, toutes relations humaines sont fondées sur une dynamique du pouvoir. Pour qu’une communication soit fluide et balancée les deux parties doivent se soumettre à la position de dominant et de dominé car c’est cette mobilité à changer de place en une danse naturelle autour du respect qui maintient la balance de la compréhension et des relations harmonieuses entre gens. Les conflits sont engendrés quand l’une des parties s’accapare de la main et refuse de se soumettre en voulant rester à tout prix dans la position de force.  Si on s’arrête et analyse en profondeur on remarquerait que la dynamique du pouvoir a changé de camp dans mon livre. Le bourreau est traqué par la victime.  Maintenant, qui est vraiment l’oppressé et qui est l’oppresseur ?  Les bourreaux ont tendance à s’attaquer aux plus faibles, cela leur donne un sentiment de pouvoir et de supériorité. Qu’arrive-t-il quand celui qui est perçu faible se révolte ? Historiquement les victimes deviennent souvent aussi abjectes que le tortionnaire, sinon plus. J’ai voulu peindre cet écosystème dans mon livre.  C’est aussi un livre d’amour. Que ne ferait-on pas par amour ? les gens qui aiment profondément détestent avec la même ardeur.

2. Comment vous est venue l’idée d’écrire sur un sujet pareil ?

C’est le sujet qui est venu à moi.  Je suis friande de documentaires sur les tueurs en série, la psychologie criminelle et autres sujets que les citoyens normalement constitués fuient… À mes heures libres, je travaille aussi avec des personnes vulnérables, victimes de violence, j’ai entendu beaucoup de vertes et des pas mûres… Puis un jour, après avoir regardé un documentaire qui traitait ce même sujet je me suis dit, et si…

Vous savez, un cerveau créatif n’est ni amoral, immoral ou même moral. C’est juste un cerveau traversé par une autre dimension de pensée, celle de la pensée créative et ne voit, ne ressent, ne réagit plus comme tout le monde mais explore une vaste mer de possibilités… un esprit créatif est fort souvent un esprit torturé, pétri d’obsessions inavouées et inavouables… L’esprit criminel fait partie de l’esprit créatif, c’est le revers d’une même médaille… l’un est acculé aux crimes tandis que l’autre est contraint de convertir ces idées en art… Ne dit-on pas que le crime parfait est aussi une forme d’art ? puisque le commun des mortels est trop apte aux jugements et encore plus à la condamnation. Les humains se cachent sous le masque de la bienveillance ou de la sévérité  et présentent le visage qu’ils pensent que les autres veulent voir ou qui effraiera le moins, ou le plus selon le scénario…  Loin de moi le désir de les absoudre, je comprends tout simplement. Les faits divers, les conversations entre les gens m’inspirent et ne m’étonnent plus…  Le monde est fascinant !

3. La rédaction du livre vous a pris combien de temps ?

L’écriture du livre m’a pris cinq mois. Cependant, la coordination des idées, la recherche de la bonne tournure de phrases, le plan du livre, la structuration m’ont pris trois ans. Puis, deux autres années pour me mettre en colère, être frustrée par les personnages… Il y a de mes personnages que je déteste foncièrement. Au fur et à mesure que je campais certains d’entre eux mon dégoût augmentait et je ressentais une certaine tristesse pour d’autres… Au beau milieu du livre la famille (les personnages) m’a déprimée tout bonnement. Toutefois, je n’avais pas d’autre choix que de la terminer, cette histoire me tenait à la gorge et je me devais de la raconter. J’ai mis près de six ans pour terminer le livre et le publier.

4. Quel auteur vous a inspirée dans le cadre de votre travail ?

Je ne saurais dire par qui exactement j’ai été inspirée mais je pense que les livres qu’on lise laissent en nous une trace indélébile. Quoiqu’inconsciemment, tout livre porte un changement dans la psyché, c’est un ami qui nous influence, brutalement parfois mais le plus souvent insidieusement.  J’ai beaucoup lu, donc, j’ai pas mal été influencée. Certains prévalent plus que d’autres, sûrement.  J’aime la liberté langagière d’un certain Monsieur Frankétienne. Les convolutions dédaliques, la psychologie subtile et la volonté de vous perdre de Dame Agatha Christie. J’adore la crudité sensuelle et l’actualité des analyses géopoliques des livres de Monsieur Gérard de Villiers. J’aime le tact avec lequel monsieur Guy des Cars traite des sujets sensibles.  Donc pour en venir à votre question, la réponse est : j’ai mon propre style certes, mais ce style découle de tous les livres que j’ai eu le privilège de lire. Vous trouverez un peu de la méthode de Madame Christie, un peu de Monsieur de Villiers, un peu des leçons de psychologie de Monsieur Carl G. Jung. Une amie, en me lisant avait trouvé des similitudes avec les auteurs Boileau-Narcejac que je ne connaissais pas du tout, mais que j’ai pris plaisir à lire maintenant. Je suis la somme des livres que j’ai lus et que je lirai…

5. C’est votre premier livre, dites-nous quand est-ce que vous avez commencé à écrire ?

Correction, c’est le premier livre publié.  Mon premier livre, est un manuscrit que je révise religieusement tous les mois, il ne m’a pas encore mandé de le publier, c’est probablement pour bientôt. Cela fait seize ans déjà que je travaille dessus… Quand j’étais à l’école secondaire et que les cours m’ennuyaient au lieu de copier les leçons du professeur au tableau, je noircissais mes cahiers de poésies et d’histoires en tous genres. Et même plus jeune encore les murs, le sol de la maison de ma mère ou celle de ma grand-mère portaient l’empreinte de mes talents et témoignaient de ma soif d’écrire… Je ne me souviens pas d’une journée où je n’ai pas voulu écrire.  J’ai toujours écrit. J’ai besoin de lire et d’écrire… c’est comme le besoin de respirer, de manger et de dormir, c’est essentiel à ma vie. Je lis dans plusieurs langues, certaines, je ne les parle même pas.  J’ai besoin d’apprendre, c’est une compulsion. Quand je dis apprendre, ce n’est pas me confiner ou me faire prisonnière entre quatre murs. J’ai toujours adoré apprendre mais détesté avec passion l’école.

6. Certaines parties du livre sont assez cruelles, pourquoi avoir fait un choix pareil ?

Je crois que la vie est beaucoup plus cruelle que ce que j’ai décrit et décrié dans mon livre. Je n’ai fait qu’effleurer l’horreur du monde. Le monde est injuste et cruel, certains de nous partiront de ce monde sans en être conscients. C’est aussi bien comme cela.  Certains de nous vivent naïvement dans le confort et la stabilité précaire de notre innocente ignorance, tandis que pour d’autres, l’horreur est quotidienne.

7. Vous vivez au Canada, vous auriez pu écrire en anglais, pourquoi avoir priorisé le français ?

Oui, je vis dans une des provinces anglophones du Canada. Je n’utilise plus aussi souvent le français, j’essaie de préserver cette petite partie qui me lie encore à ma terre natale.  Le créole et le français je les préserve à tout prix. Le français ce n’est pas seulement la langue du colon, mais c’est un acquis douloureusement transmis sur les bancs de l’école, donc, c’est mon droit de le préserver. À vivre si longtemps loin de la senteur et de la cacophonie d’Haïti me manque, alors je fais tout pour ne pas perdre le peu qui me reste de cette île magique. Certaines descriptions du livre vous entrainent dans un univers qui rappelle fortement notre chère Haïti chérie, c’est normal que l’histoire me soit venue en français, cela aurait pu être aussi en créole. Les histoires qui me viennent en anglais sont plus policées, moins mouvementées, plus guindées…  Haïti est un pays chaud, c’est un pays de piment, de tafia, de rara, de gouyade et de sexe, le créole ou le français est mieux pour transmette cette ambiance et ces émotions.

8. Est-ce que l’histoire décrite dans le livre est la vôtre ou celle d’une autre personne ?

Ma vie n’est pas aussi mouvementée que celle du protagoniste… Je suis l’une de ces chanceuses qui connaissent leur géniteur.  Il n’y avait jamais eu de doute là-dessus. Par contre, le personnage principal ne connaissait pas son père. C’était un vide béant dans sa vie et sa mère, pour sa part, lui décrivait un papa parfait. Ce livre est ma petite contribution. Je veux dénoncer les actes de violence qui handicapent les sociétés. 

9. À quel moment avez-vous trouvé le titre du livre ? Est-ce au début ou à la fin de la rédaction ?

Vengeance était une évidence pour moi. Dès le début je savais que mon livre porterait ce titre. Mais ce que je savais moins c’est que le livre allait m’imposer son propre titre. Au gré de l’écriture, le manuscrit prenait une autre dimension. L’amour filial s’est imposé, je n’ai pas eu d’autre choix que d’embrasser « les méandres de l’amour ». 

10. Quels sont vos auteurs préférés  ?

Vous connaissez déjà ma passion pour les livres de Dame Agatha Christie, même ceux écrits sous le pseudonyme de Mary Westmacott. J’aime aussi Monsieur Stephen King, Monsieur Guy des Cars, Monsieur Herman Hesse, Monsieur Etzer Vilaire, Monsieur Xavier de Montépin, Patrick Süskind, Monsieur Archibald Joseph Cronin, Monsieur Fiodor Dostoïevski, Monsieur Chinua Achebe, Monsieur Albert Camus, Monsieur Justin Lhérisson,  Madame Chimamanda Ngozi Adichie, Monsieur Romain Gary, Monsieur Georges Orwell, Monsieur Charles Baudelaire, Monsieur Antoine de Saint-Exupéry, Monsieur Paulo Coelho, Monsieur Marcel Proust, Monsieur Garcia Marquez, Monsieur Jules Verne, Monsieur Ray Bradbury, Monsieur Pierre Choderlos de Laclos, Monsieur Lewis Carroll, Monsieur Ernest Hemingway, Sir Arthur Conan Doyle, Madame Margaret Atwood, Monsieur J.R. R. Tolkien, Monsieur Dante Alighieri, Monsieur Edgar Allan Poe, Monsieur Molière, Monsieur Zola, J. K. Rowling.

Carlile Perrin

Carlile Perrin Magazine

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