La notion de beauté a toujours été exposée à de grandes discussions dans les sociétés. C’est probablement l’un des débats les plus enflammés que le monde connaisse surtout en ce qui a trait aux femmes. Certaines parlent de beauté physique et d’autres des principales caractéristiques qui pourraient constituer la beauté. Physique mis à l’écart.
Eske moun konn lèd ? Est l’une des interrogations qui ont fait sensation dans le cadre de la réalisation du travail. Écrire sur un sujet suffisamment plaisant (pour certains ) n’était d’abord pas trop tentant toutefois, vu l’intérêt que beaucoup attribuent à la beauté, l’on s’est entendu d’épuiser la thématique en réalisant une série de témoignages.
Pour Edwige Altema, responsable des ressources humaines à Alo Communications la laideur se définit comme ce qui est desservi par son aspect physique, particulièrement par son visage tandis que la beauté est une qualité d’être agréable et attrayante.
La laideur tout comme la beauté nécessite des émotions et aussi est une question de regard et d’entretien, a indiqué l’étudiante finissante en Gestion Touristique à l’université Notre Dame d’Haïti.
Les interviewés ont parlé sans langues de bois et soutiennent tous fermement leur position. La journaliste et coordonnatrice générale de l’association Bouquets d’Espoir Eberline Nicolas estime que du point de vue esthétique, on définit de laid tout ce qui n’est pas beau. Ce qui est laid est parfois même synonyme de méchanceté et de saleté. Cependant d’un point de vue général, la beauté est facultative, ce qui veut dire ce qui est beau pour une personne peut être laid pour une autre.
Parallèlement, si beaucoup croient que la beauté intérieure est de grande utilité, le juriste Richecarde Célestin affirme que la beauté intérieure ces jours-ci ne compte pas. Personne ne peut la voir, ou ne peut capitaliser sur elle. C’est pourquoi toute cette effervescence pour avoir une bonne apparence afin de plaire, même si ce plaisir coûte en produits pharmaceutiques aux fins de dépigmentation et de cancer de la peau comme conséquence.
« Gen moun ki pran tan yo ki pran san yo pou yo lèd. Mwen menm mwen ka di mwen manke lèd. » a déclaré Junior Jean-Baptiste, un couturier-vendeur (il vend des pantalons) à Pétion-Ville.
Dans certains milieux, parler de beauté est peine perdue si l’on tient compte des approches des riverains. Pour eux, la beauté n’a qu’une origine : l’argent. Est laid celui qui est pauvre. Ainsi, Ti Bato, travailleur (personne travaillant de concert avec le chauffeur de tap tap entre autres) à Delmas dit pourrait devenir très beau si les conditions étaient réunies. Suivant ses déclarations, c’est la misère et le soleil qui l’ont enlaidi.
L’une des voix du 7-9 Toupatou de la radio Télé Cosmos Merry Stéphanie Laguerre avoue qu’il n’y a pas de gens laids. Il y a des personnes qui se sentent laides et qui partagent cette énergie et on accepte puisqu’ elles-mêmes acceptent de se sentir mal dans leur peau.
Contrairement à Stéphanie, l’auteur des livres Mémoires d’un trépassé et Exceptionn’elles, Clauvell Junior Louis Jean soutient : « Moun konn lèd Mezanmi. Gen moun ou parèt sou li, ou pantan. »
De son côté l’auteur du récit récemment sorti « Tel Fils », Samuel Mésène se confie : « Je ne suis pas certain de pouvoir donner une définition universelle à la laideur physique, mais je sais ce qui plait à mes yeux. Est beau ou belle, à mes yeux, l’homme ou la femme dont le visage a une certaine symétrie, des organes assez proportionnés, peu importe sa couleur de peau, et dans le cas d’une femme, celle qui a aussi des courbes plus ou moins prononcées, qu’elle soit de grande taille ou pas. Une personne qui s’éloigne beaucoup de ces critères peut me paraitre laide. Mais je ne suis pas un intégriste du physique. »
Ont participé à ce travail des gens évoluant dans des sphères différentes, toutefois ce qui a surtout paniqué certains intervenants c’est la deuxième et dernière question :
Eske ou menm ou lèd ?
« Sans la moindre hésitation je réponds par un grand NON!
Mais sans vous cacher qu’il y a des jours où je veux faire ressortir plus de beauté ou du moins que je ne suis pas satisfaite de ma beauté et que je me camoufle juste pour me faire “ un genre ” ou me sentir plus belle car la beauté se paie » a expliqué Edwige Altema.
« Suis-je laide. Je me dirais belle, peut-être que j’ai une estime de soi surdimensionnée. » a martelé Eberline Nicolas dans ses déclarations qui ont été des plus plaisantes.
Junior Jean-Baptiste, pour sa part, croit dur comme fer que sa beauté a été grandement compromise par la misère : « Mwen gen bèl je, se nen m lamizè laji. Men mwen poko jwenn moun ki jan m di m lèd nan vi m. Mwen sipoze, mwen pa makawon pase sa. » a précisé, Junior, une main posée sur sa machine à coudre sous le soleil d’un de ces jeudis fous aux alentours de l’église Saint Jean Bosco.
En ce qui concerne Richecarde Célestin, la beauté embrasse toute une histoire. Il dit être beau parce que « ma couleur, et ma représentation physique étaient synonymes d’animalité. La Révolution 1804 nous apporte également son modèle d’esthétisme pour les peuples opprimés. Elle rétablie une humanité, jadis opprimée, violée, discriminée au nom de l’altérité blanche. Je suis beau car,ma couleur est synonyme de lutte, de résistance, d’amour et d’acceptation de soi.»
L’une des animatrices de l’émission « Ranje kò w » sur les ondes de la radio Cosmos dit avoir vécu des moments difficiles dans sa vie notamment quand elle était enfant car elle était souvent l’objet de commentaires négatifs par rapport à son physique mais soutient aujourd’hui : «… j’ai appris à m’aimer tous les jours. Et oui je suis une belle femme. »
Celui qui évolue comme rédacteur a répondu par la négative. Samuel Mésène a déclaré : « La plupart du temps, j’ai confiance en moi. Je me sens beau et fier. Mais pour tout dire, ce n’est pas sur mon physique que je compte le plus. »
L’auteur de Mémoires d’un trépassé n’a pas mâché ses mots : « Nan je kèk moun mwen ka lèd. Paske mwen pa reponn ak kritè bote yo. Gen lòt tou ki ka wè m pasab. Men mwen mete tèt mwen nan kategori pasab la, paske m renmen tèt mwen. » a indiqué Clauvell Junior Louis Jean dans un rire étouffé.
Nous sommes légion à penser que la beauté a rapport au poids. Pourtant cette dernière n’est qu’une notion qui procure un plaisir visuel pour répéter Christophe Hilmoine. Lors des différentes interviews, ont été considérables, les personnes qui disent avoir connu durant leur enfance des journées déprimantes à cause de désobligeants discours. En 2023, la question de beauté est encore très prisée. Sont nombreuses, des femmes prêtes à tout donner pour une chirurgie esthétique. Les sociétés ont fixé leurs critères de beauté et ceux qui les constituent, prennent partie et s’érigent en maîtres. La beauté est et a toujours été abstraite mais cela n’est pas près de changer.
Carlile Perrin
Carlile Perrin Magazine
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