Le mois de mars est un mois particulier. C’est le mois de la femme. Il y a un jour qui se démarque des autres de par son contenu et l’énergie qui se produit. Le 8 Mars est le jour retenu pour célébrer la femme en Haïti et partout ailleurs. Mais toutefois cette célébration ne s’effectue pas de la même façon par les individualités et les collectifs qui s’y sont engagés. D’abord, c’est un jour où l’exotisme féminin est au diapason. On célèbre le corps de la femme, son tempérament, son sens des responsabilités, ses attitudes qui constituent un charme. C’est une question de femmes poto mitan, femme se lavi, femme se lanmou, donnez le monde aux femmes et les expressions angéliques qui vont dans le même sens.
Ces expressions sont friandes dans la presse et sur les réseaux sociaux. D’un côté moins audible que le précédent, il y a un autre discours sur le 8 Mars. Les personnes qui s’affirment par ce discours préfèrent qualifier cette journée de réflexion et faire un travail de mémoire sur ceux et celles qui se sont sacrifiés pour lancer la machine d’émancipation feminine. L’histoire de la lutte des femmes pour l’appropriation de leur corps, le combat contre le patriarcat et des manifestations, la justice du genre, le consentement et la liberté sexuelle. Étant donné que ces démarches ne s’effectuent pas dans le cadre patriarcal, elles rendent leurs porteurs inaudibles et invisibles.
Le mouvement féminisme en Haïti a connu de nombreux théoriciens qui alignent une pensée sur la lutte contre le patriarcat, le capitalisme, l’esclavage qui ont transformé les femmes en des objets sexuels et de travail. Jacques Stephen Alexis, un théoricien marxiste a fait de la femme haïtienne, issue des milieux populaires, un axe non négligeable dans ses romans. On parle de Claire Heureuse, fille de paysanne, domestique chez Erica Jordan qui a soutenu son mari Hilarion dans ses luttes contre les tenants de l’industrie sucrière en République Dominicaine. Ce dernier est mort dans ses bras. On parle également de La Niña Estrellita, une prostituée d’origine cubaine qui vend des charmes aux militaires américains lors de l’occupation. Son corps devient un objet sexuel, emprisonné dans une exploitation à outrance au sein d’une économie de violence, inégalitaire au profit de l’impérialisme américain. La Niña fait partie de cette catégorie de femmes qui luttent pour l’appropriation de leur corps et contre cette vision exotiste des femmes prostituées étrangères dans la capitale. C’est une catégorie de femmes que le modèle féminin béni par le patriarcat ne prend pas en compte.
Jacques Stephen Alexis campe La Niña Estrellita comme une femme exploitée, dominée et aliénée. Sa rencontre avec El Caucho est comme un déclic. Les moments de dialogue entre ces deux personnages travaillent la conscience de La Niña et aiguise sa compréhension sur la lutte des classes, l’économie de violences et l’impérialisme qui sont porteurs de préjugés, de pauvreté et de mort. Autant la force de travail de l’ouvrière à une fin et que cette dernière est exclue de l’opération économique autant que le corps des prostituées est enlaidi à force d’utilisation pour les besoins sexuels. Ces êtres jetés aux oubliettes par la suite.
C’est le combat féministe dans lequel s’inscrit Jacques Stephen Alexis. Même si étant qu’homme, le système social lui était favorable, il croyait fermement que l’émancipation feminine est un combat collectif qui nécessite beaucoup d’actions et de pensées.
L’injustice sociale générée par le capitalisme prédateur détruit tout. Les femmes sont les plus exposées.
Richecarde Célestin
Carlile Perrin Magazine
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